Au XXIe siècle, les villes doivent faire face à de plus en plus de défis: un accroissement sans précédent de la population mondiale urbaine, à des demandes de mobilité et d’énergie en augmentation, à des enjeux environnementaux induits notamment par le réchauffement climatique, ainsi qu’à des besoins sécuritaires qui évoluent sans cesse. La ville doit constamment évoluer pour répondre au mieux aux besoins de sa population, agir de façon intelligente pour pouvoir utiliser ses ressources le plus efficacement possible, en utilisant les outils technologiques et les données qui lui sont à disposition. C’est l’essence du concept de “smart city”, ou “ville intelligente”.
Pourquoi devenir une “smart city”? Quels avantages ont ces villes ? Quels enjeux sécuritaires peuvent devenir d’actualité par l’existence de tels modèles urbains? C’est notamment pour répondre à ces questions que le département Conférences de la SDSA, en partenariat avec les Jeunes IHEDN, ont organisé une conférence sur le thème des “smart cities”, ainsi que sur les enjeux sécuritaires concernant ces dernières. Lors de cette conférence, intitulée “Smart cities: Quels enjeux sécuritaires pour les villes de demain?”, Pablo Demierre, fondateur de la SDSA et politologue, ainsi que Mauro Verderosa, spécialiste en cybersécurité, étaient invités pour discuter de ce thème, apportant chacun une analyse de la problématique en rapport avec leur expertise personnelle.
Dans son intervention, Pablo Demierre a parlé du cadre dans lequel s’inscrit l’apparence de ces villes, en évoquant notamment la digitalisation de notre société, ainsi qu’un besoin d’innovation induit par des initiatives visant à promouvoir la durabilité, comme les objectifs de développement durable des Nations Unies, les causes qui poussent les villes à sauter le pas et à adopter des modes de fonctionnement plus intelligents, ainsi que les utilisations des smart cities dans le domaine de la sécurité. Il a notamment évoqué le fait qu’outre l’argument de l’amélioration de la qualité de vie, il y a également des arguments économiques en faveur des smart cities: “Une smart city, ça donne confiance aux investisseurs, la ville peut donc compter sur une augmentation des investissements externes”. De plus, il a évoqué la mise en place de systèmes de vidéosurveillance dans plusieurs villes européennes, et les résultats obtenus selon le protocole d’implémentation. Les cas de Lille et de Londres ont notamment été évoqués. Dans la première, où l’installation des caméras était accompagnée d’agents de police de proximité supplémentaires, les résultats ont été plutôt positifs. À Londres, où ces derniers ont été intégralement remplacés par des caméras, le contraire a été observé avec une dégradation importante de la situation. Avec cet exemple, il cherche à souligner l’importance du respect de la “dimension humaine”: la technologie ne serait pas suffisante en elle-même pour assurer la confiance de la population, et le contact humain reste important pour faire face aux nouveaux défis urbains.
Il a également rappelé que le concept n’est pas nouveau: ces innovations technologiques qui visent à améliorer la vie urbaine sont déjà utilisées dans de nombreuses villes du monde. Les villes suisses font exemple de bons élèves dans le domaine: Zürich (2e), Lausanne (5e), Genève (8e) sont toutes les trois dans le top 10 du Smart City Index 2021, un index de l’Université de Technologie et de Design de Singapour, qui classe 118 villes selon une série de critères visant à établir un classement des “smart cities”. Il s’agit selon Demierre d’un domaine en évolution graduelle, c’est-à-dire qui repose sur la mise en place progressive de nouvelles innovations pour améliorer la situation existante.
Mauro Verderosa, président de la société PSYND, qui offre des services dans le domaine de la cybersécurité, a ensuite partagé ses craintes quant à ces villes. “Les smart-cities se basent sur l’”Internet of Things” (IoT), un terme désignant des objets connectés qui communiquent entre eux sur un réseau. Chaque élément connecté à ce réseau, que ce soit une imprimante, l’ordinateur d’un étudiant ou bien une montre connectée, est un périphérique IoT”. Pour récolter des données, une ville met en place des capteurs dans la ville, qui peuvent être des caméras pour détecter des embouteillages en ville, des compteurs dans les parkings pour indiquer le nombre de places libres, des détecteurs de pollution, tous connectés et communiquant entre eux et avec une centrale, qui est une configuration comparable à l’exemple du réseau universitaire présenté par M. Verderosa.
Quel danger voit-il dans cela? Il précise: “Cela rend extrêmement vulnérable la ville face aux cyberattaques. Chacun de ces capteurs, chacun de ces périphériques IoT qui font fonctionner la smart city, peuvent être utilisés pour faire tomber le système”. Selon lui, il ne suffit que d’injecter un logiciel malveillant (malware) dans l’un de ces périphériques pour paralyser tout le système, et donc causer d’énorme dégâts à l’infrastructure urbaine. Pour rappel, on ne parle pas que d’un exemple théorique: plusieurs villes de Suisse ont été victimes de cyberattaques récemment, l’attaque la plus conséquente s’étant déroulée à Rolle (VD) durant l’été 2021.
M. Verderosa a poursuivi son intervention par une série d’anecdotes des clients de son entreprise. Il a ainsi raconté l’histoire d’une personne dont un individu avait pris le contrôle de son téléphone à distance, et effectué des opérations devant ses yeux, notamment sur son e-banking. Un autre client s’était quant à lui fait hacker sa caméra, et a finalement retrouvé des images de lui aux toilettes en ligne.
Enfin, M. Verderosa a profité de la fin de son intervention pour rappeler que les cyberattaques sont beaucoup plus courantes que ce que l’on pense, et qu’il est important de se protéger autant que possible. Il conseille donc de couvrir sa caméra lorsqu’on ne l’utilise pas, ainsi que de faire attention à sa carte de crédit pour éviter que ses données tombent dans de mauvaises mains. Il a d’ailleurs distribué des couvre-caméras et des housses pour carte.
En résumé, une conférence particulièrement enrichissante qui nous aura permis d’enrichir notre collaboration avec les Jeunes de l’IHEDN. Les membres de l’association ont également pu développer des connaissances sur un phénomène en pleine expansion qui nécessite l’expertise de divers spécialistes, aussi bien dans le domaine de la défense que dans ceux des politiques publiques ou des relations internationales.