Mercredi 23 novembre a eu lieu la conférence « Un tour du monde avec Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés » organisée par Foraus, le GIMUN, la SDSA et la STIG en collaboration avec l’Université de Genève. À l’occasion de la semaine des droits de l’Homme, les associations estudiantines ont invité le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi à retracer son parcours au sein de cette organisation en se remémorant des rencontres et moments clés de sa vie autour du monde.
Nicolas Levrat, directeur du GSI et président de la semaine des droits de l’Homme de l’Université de Genève, a lancé la soirée en remerciant les associations estudiantines pour l’organisation de cet événement durant cette semaine particulière. L’étudiant Mattia Morini a ensuite annoncé qu’étant donné que certains jeunes n’ont pas la chance d’avoir accès aux études supérieures, les quatre associations estudiantines ont décidé de faire une donation au UNHCR pour aider les jeunes réfugiés à avoir accès à une meilleure éducation. Les organisateurs ont distribué des flyers aux participants pour que le public puisse aussi faire un geste.
Les étudiants Andreina Carenza, Elisa Ferrante, Frederico Pagani et Maria Teresa Failli ont ensuite interviewé Filippo Grandi dans un dialogue mené par l’étudiant Nicolas Cavadini. Pour commencer, le public a pu en apprendre un peu plus sur l’organisation du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Créée en 1950, l’UNHCR compte 20’000 personnes à son service à travers la planète et elle est basée à Genève. Italien d’origine, M. Grandi considère Genève comme sa ville d’adoption, y ayant vécu pendant plusieurs années. Il ajoute que l’Allemagne est le second plus grand pays donateur de l’UNHCR, il a notamment rencontré le chancelier allemand Olaf Scholz le jour avant cette conférence. Cette organisation est d’autant plus importante que l’on compte 103 millions de réfugiés et de personnes déplacées dans le monde, « we haven’t had this for decades and why ? Because war has become even more rutheless than usual and the IHL is probably the most disrespected body of rights in the world nowadays », explique le Haut Commissaire.
M. Grandi a beaucoup voyagé pour son travail, il précise : « The most important trips are the trips where I go and I see the problem, meaning I see the people for whom we work. […] My work is not a desk job but it is a work with people and therefore, I need to know their life situation ». Même s’il se considère comme un international civil servant, il indique que nos origines sont une richesse : « The UN is about that as well, it is about being impartial, not pursuing the interest of your country ideally but it is also bringing the culture, the values, the strength and whatever you bring from your home country into the mix ».
Lors de sa première profession à l’ONU, il a travaillé comme junior field officer pour l’UNHCR au Soudan. Cette première expérience onusienne lui a fait prendre conscience de son rôle dans l’organisation : « One of the first thing I became very aware of in doing my job was that so much could not be done and that none of us can do this alone. » Cependant, grâce à cette expérience, il est l’un des seuls Hauts Commissaires de l’UNHCR qui vient des rangs de cette organisation. « Everybody brings something to this leadership job and what I brought was the experience of having being one of the staff in the field », explique Filippo Grandi.
Les étudiants ont ensuite abordé la présence humanitaire en Ukraine. Selon le chef de l’UNHCR, le plus gros challenge est la dynamique de la guerre qui consiste essentiellement en des frappes aériennes et des attaques russes sur les civils. Il affirme que c’est l’une des plus grosses crises de réfugiés et que l’UNHCR a, en conséquence, quadruplé son personnel qui était initialement de 100 personnes en Ukraine : après le début de la guerre, ce chiffre est passé à plus de 400 personnes. Il a notamment mentionné qu’un million d’Ukrainiens sont arrivés en Allemagne et que beaucoup se demandent s’il y aura une seconde vague de réfugiés parce qu’il sera difficile de passer l’hiver dans un des pays les plus froids d’Europe s’il n’y a pas de chauffage, d’électricité et de communication. Un autre problème est que, selon lui, le monde s’habitue à la guerre très rapidement. « If you observe this latest wave of attacks and airstrikes, it is probably the most vicious since the beginning of the war in February and yet, the first bombing in February was 24/7 on the social media, now it is still there but it is different, there is a competition for the headlines and why? Because the world become used to war. […] And that’s a big problem because those of us who are engaged in addressing the humanitarian consequences of the war need ressources to run these operations and if there is no interest, it is a big problem », explique le Haut Commissaire. Il ajoute : « The job of my organisation is to remind donor countries, people supporting us, that they should not forget and that they should not get resigned to war anywhere. »
La Côte d’Ivoire a elle aussi vécu une guerre qui a duré plusieurs années et qui a engendré l’arrivée de 400’000 réfugiés dans les pays avoisinants. Quelques années plus tard, une fois la guerre civile terminée, le Président ivoirien -qui voulait que les réfugiés reviennent au pays- a alors demandé à Filippo Grandi s’il pouvait déclarer la clause de cessation du statut de réfugié pour les réfugiés ivoiriens. Le Haut Commissaire lui a alors répondu qu’il voulait d’abord voir si la consolidation de la paix faite par ce Président allait marcher et si les réfugiés allaient revenir au pays. Après des années de négociation, la clause de cessation a été déclarée. 90% des 400’000 réfugiés sont retournés en Côte d’Ivoire. « This year I went to Côte d’Ivoire not only to declare with the president of Côte d’Ivoire the cessation clause but I wanted to send a signal to all the other places that are not going in that direction, that it is possible if there is good cooperation between the former enemies in a country, that if you build the peace, people will go back. Going back is the best testimony that peace has come back », précise le Haut Commissaire.
Selon Filippo Grandi, les mouvements de réfugiés sont de plus en plus mélangés avec les mouvements de migration économique, ce qui tend à parfois rendre difficile leur distinction. Il donne l’exemple de la Lybie qui comprend des migrations mixtes complexes, dans un pays divisé et fragile, ce qui rend le travail des humanitaires très compliqué. Il explique : « A lot of our work is negociations: we call ourselves the protection agency because we are mandated to protect or to ensure that refugees or displaced people are protected. Protection work means that you negociate with the people in power (governments, arm groups, gangs, etc) that these people are in safe places, that they can have access to food, to the medicine, to the basics, to education or to their home. In Lybia these negociations are very difficult because you have a multiplicity of actors: the government and other forces that are fighting against the governement but control the territory, criminal gangs that control a part of the country […] ».
Lorsque qu’on lui demande quel est son plus grand succès, il répond que chaque négociation réussie est un succès. Dans les années 1990, après le génocide au Rwanda, la République démocratique du Congo est devenu le théâtre de tensions régionales. Il se rappelle que l’une de ses missions les plus difficiles et dangereuses sur place était d’aller vers un de ces groupes armés pour leur demander s’ils pouvaient amener de la nourriture à la population ou emmener les réfugiés et les personnes déplacées dans des lieux plus sûrs. « I think that it is in those extreme situations where you feel more strongly the success and the failure because you can see immediately that the success may mean for that moment to save lives and a failure means you lose life », explique-t-il.
Pour conclure la soirée, les étudiants ont demandé au Haut Commissaire quelle était la plus grande leçon qu’il ait reçu. Il indique que souvent les réfugiés sont présentés comme des victimes et qu’ils sont certes des victimes mais ils ont surtout un courage incroyable car fuir n’est pas une décision facile à prendre car ils laissent derrière eux leur maison, leur travail, leur vie. « I learn everyday dealing with the people that have made that choice, how difficult it is and what an incredible strength it requires to be a person in exile. […] That’s what inspires me. […] When my colleagues and I feel disheartened, frustrated and angry, I think about the refugees who cannot afford to be tired and frustrated because they have to survive and succeed and that gives me energy back », conclut Filippo Grandi avec émotion.