Image : DFAE
En 1816, la Diète fédérale décida d’ouvrir un Consulat à Lyon, ville dont l’importance pour l’économie suisse devenait de plus en plus grande. En 1945, le Conseil fédéral prit la décision d’en faire un Consulat général dirigé par des chefs de poste de carrière. Aujourd’hui, le Consulat général de Suisse à Lyon assiste la communauté helvétique dans deux régions françaises et suit également les affaires transfrontalières. Pascal Bornoz, consul général en poste à Lyon depuis 2019, nous a accordé une interview dans laquelle il répond à nos questions en expliquant les aspects et les particularités de son métier.
Swiss Diplomacy Student Association (SDSA) : Pourriez-vous vous présenter brièvement sans faire mention de votre profession ?
Pascal Bornoz (P. B.) : Pascal Bornoz, né en 1964 à Lausanne (VD), marié, 3 enfants.
SDSA : À quoi ressemble votre parcours au sein du DFAE ?
P. B. : Je suis entré dans le département par le concours d’admission. Mon entrée en service à Berne date d’octobre 1994. Dès lors, j’ai suivi une période de formation à Berne, puis à Barcelone en tant que stagiaire. En 1996, j’effectue l’examen final puis suis transféré successivement à Barcelone, Santiago du Chili, Bangkok, Riyad, Berne (à la Direction des ressources), Berne (au Secrétariat d’État, division Moyen-Orient Afrique du Nord), Vancouver, Lyon, puis à Chicago à partir d’août 2023.
SDSA : Comment devient-on consul général ?
P. B. : Il faut avoir un intérêt marqué pour la diplomatie publique, des compétences de direction et sociales développées, un parcours professionnel diversifié et suivre une formation continue.
SDSA : Que représente l’agence consulaire suisse en France en termes d’effectif et de moyens ?
P. B. : Composée de 22 collaboratrices et collaborateurs, y compris un consul honoraire à Besançon et un à Annecy, l’équipe du consulat général encourage le dialogue de proximité et promeut les intérêts ainsi que l’image de la Suisse dans une circonscription regroupant actuellement les régions Auvergne-Rhône-Alpes ainsi que Bourgogne-Franche-Comté. D’une superficie trois fois supérieure à celle de la Suisse, cette circonscription recense environ 112’000 des quelque 206’000 compatriotes et 400 des quelque 1’300 sociétés à ADN suisse établis en France. Ce dernier constat fait d’ailleurs de ce consulat général la plus importante représentation consulaire suisse au monde en termes de compatriotes enregistrés.
Si une partie essentielle de nos activités quotidiennes est étroitement liée à l’encadrement administratif des membres de notre communauté, notamment l’établissement de documents d’identité, le traitement de cas d’état civil et de citoyenneté, d’assistance aux personnes en difficultés, de questions notariales ou juridiques, de sécurité sociale, ou encore relatives à la prise de domicile en France, nous suivons également activement l’évolution de la coopération régionale entre de nombreux partenaires publics et privés de part et d’autre de quelque 600 kilomètres de frontière commune avec la Suisse, du Territoire de Belfort à Saint-Gingolph en Haute-Savoie. Nous accompagnons d’autre part les entrepreneurs et artistes suisses de passage dans notre circonscription et favorisons les échanges académiques et scientifiques.
SDSA : Quelles sont les missions du consulat général de Suisse à Lyon ?
P. B. : La majeure partie des sujets traités touche aux affaires transfrontalières. De la mobilité à la formation en passant par la santé, le télétravail, l’environnement et l’énergie, les dossiers transfrontaliers sont nombreux, dynamiques et nécessitent un suivi constant.
En ce qui concerne le domaine des transports, la coopération transfrontalière vise à promouvoir la mobilité douce, respectivement le transfert modal. Dans notre circonscription, il s’agit principalement du réseau ferroviaire transfrontalier Léman Express, du réseau des Transports public genevois (agglomération du Grand Genève), des liaisons longue distance opérées par la société TGV Lyria entre la Suisse et la France, ou encore des lignes régionales transfrontalières accédant à Frasne (via Vallorbe ou Pontarlier), Besançon (via Le Locle) et Belfort (via Delle). Sans oublier naturellement les liaisons assurées par les bateaux de la Compagnie générale de navigation offrant à de nombreux frontaliers la possibilité de se déplacer aisément d’une rive à l’autre du lac Léman.
Il faut aussi relever dans le domaine de l’énergie les échanges transfrontaliers dans le cadre de diverses initiatives régionales liées à l’usage de l’hydrogène en tant que vecteur énergétique (production, utilisation, stockage) ainsi que les discussions bilatérales sur la gestion commune des cours d’eau transfrontaliers.
La coopération transfrontalière recense également une multitude de succès locaux émanant d’initiatives privées ou de collectivités mixtes.
SDSA : En sus des affaires consulaires, le descriptif de poste d’un consul général contient un volet diplomatique que celui d’un/e consul/e n’a pas. Quelle est la portée de cette dimension diplomatique dans votre métier ?
P. B. : Hormis les activités classiques de conduite et de gestion d’une représentation, je suis amené à promouvoir et à défendre les intérêts de la Suisse dans mon arrondissement. Je soigne des liens étroits avec divers acteurs politiques, économiques, scientifiques et culturels, suis à leur écoute, j’anticipe, j’ouvre des portes et je cherche à développer une compréhension commune des enjeux entre les interlocuteurs de mon arrondissement et la Suisse.
L’Ambassade de Suisse en France, sise à Paris, à laquelle ce consulat général est d’ailleurs hiérarchiquement subordonné, est compétente pour la gestion des dossiers ayant un impact direct sur l’évolution des relations bilatérales entre nos deux pays.
SDSA : La communauté suisse en France est conséquente. Mais est-elle organisée ?
P. B. : Composée à 80% de binationaux, la communauté est unie, autonome dans son quotidien et active – elle compte plus de personnes actives que retraitées.
Les Suissesses et les Suisses qui vivent dans l’arrondissement sont bien intégrés. Comme pour n’importe quel autre pays, s’installer en France nécessite de s’adapter aux règles locales et de se plier aux structures administratives différentes de celles de la Suisse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important pour le consulat de soigner un contact régulier avec les 25 associations suisses sur le terrain, elles sont nos relais. Ainsi, et plus encore depuis la pandémie de Covid-19, ma suppléante et moi-même ne manquons pas une occasion de rencontrer les présidentes et présidents d’associations suisses lors de nos déplacements. J’organise également une fois par an un déjeuner à la résidence de la Confédération à Caluire-et-Cuire, auquel j’invite toutes et tous les présidents de l’arrondissement. En outre, chaque personne peut venir accompagnée du plus jeune membre actif de la société qu’elle préside.
SDSA : Dans les affaires transfrontalières, nous parlons beaucoup de bassin de vie. Que vous évoque cette notion ?
P. B. : La libre-circulation, les échanges, les similitudes culturelles et sociales, la nécessité de promouvoir un dialogue de proximité afin de garantir le développement commun sur l’ensemble du bassin de vie, d’assurer son attractivité, son dynamisme et de juguler d’éventuels déséquilibres structurels.
SDSA : Il existe de nombreuses instances politiques franco-suisses. À quoi servent-elles ?
P. B. : Elles servent à promouvoir le dialogue de proximité et la compréhension mutuelle, à favoriser la recherche commune de solutions. Le consulat général a le statut d’observateur dans certaines de ces instances, à l’instar du Comité régional franco-genevois CRFG, du Conseil du Léman ou encore d’Arcjurassien.
SDSA : La presse relaye souvent les points négatifs liés aux problématiques transfrontalières. Ne pensez-vous pas qu’elle tend à ignorer tous les autres éléments qui fonctionnent ? Pourriez-vous donner un exemple ?
P. B. : Partisan du verre à moitié plein, je déplore cette tendance (qui s’apparente au modèle économique : la demande crée l’offre) et saisis chaque occasion qui se présente pour souligner les efforts entrepris en coulisse par de nombreux acteurs afin d’améliorer le quotidien des habitants des bassins de vie transfrontaliers ; mobilité, énergie, environnement, santé, fiscalité, et j’en passe.
SDSA : La pluralité des acteurs régionaux, en France comme en Suisse, ne pose-t-elle pas un problème majeur dans le règlement de certains dossiers ?
P. B. : Elle prolonge ou élargit parfois l’analyse des dossiers, ce qui n’est à fortiori pas nécessairement problématique ou négatif.
SDSA : Vous arrivez bientôt à la fin de votre mandat à Lyon. D’une façon générale, que retenez-vous de ce poste ? Quelle est votre impression finale ?
P. B. : Le poste offre une gamme d’activités variées et est doté d’une équipe loyale, performante et efficiente. De plus, Lyon est une ville où il fait bon vivre.