L’éolien est l’un des piliers principaux de la transition énergétique en Europe : depuis maintenant plus de vingt ans, son rendement est en croissance continue. Le 24 avril 2023 s’est tenu le deuxième Sommet de la mer du Nord. Celui-ci a rassemblé les chefs d’État des neuf nations riveraines : l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. L’objectif ambitieux résultant de cette réunion : faire de la mer du Nord le plus grand espace maritime de production d’énergie au monde.
En effet, d’ici 2050 la centrale de la mer du Nord devrait atteindre la puissance de 300 GW, soit de quoi potentiellement alimenter plus de 500 millions de ménages européens. Mais réaliser un projet de telle ampleur nécessite une coopération renforcée sur le continent, qui se met en place depuis quelques années. Le chemin vers l’indépendance énergétique et l’abandon des énergies fossiles consolide la solidarité au sein de l’Union Européenne, et fortifie ses relations avec les États tiers comme le Royaume-Uni ou la Norvège. L’avenir de l’énergie verte en Europe repose donc sur la collaboration et le soutien entre nations. Au-delà des frontières de notre continent, l’énergie éolienne offshore peut également stimuler les dialogues diplomatiques avec les pays en quête de solutions énergétiques durables, et par conséquent créer de nouvelles opportunités de collaboration.
Quels avantages offre l’éolien maritime ?
Les éoliennes offshore (hors côtes) fonctionnent de manière identique aux éoliennes terrestres : grossièrement, l’énergie cinétique du vent est transformée en électricité. Le raccordement de l’électricité à la terre se fait via un câble électrique submergé. Le contexte marin propose plusieurs avantages. Premièrement, les vents sont plus soutenus et réguliers en mer que sur terre. Par conséquent, à puissance égale, une éolienne maritime peut offrir jusqu’à deux fois plus d’électricité qu’une éolienne terrestre. Ensuite, il existe des contraintes pour les parcs éoliens terrestres qui ne s’appliquent pas en mer, telles qu’une distance minimale avec les habitations environnantes, les obstacles naturels ou encore l’impact du paysage. Enfin, il s’agit d’un énergie « propre », qui contribue donc grandement à l’abandon des hydrocarbures.
Par ailleurs, des études ont été menées afin de déterminer si les parcs éoliens offshore présentent un danger pour les organismes marins. Peu d’effets négatifs ont été remarqués, et dans certains cas l’impact environnemental s’est même avéré positif. Des nouveaux écosystèmes se créent autour des infrastructures, un phénomène nommé « effet récif artificiel », donnant refuge au moules, algues, anémones, poissons…
La situation géopolitique actuelle, un frein à l’éolien ?
Même si l’énergie éolienne paraît prometteuse, le secteur rencontre actuellement des difficultés. La spirale inflationniste que nous traversons a un impact important : la hausse des prix des matières premières, de leur transport ainsi que des taux d’intérêts mène inévitablement à une hausse du prix des projets éoliens. Par conséquent, la concurrence extra-européenne en profite pour se faufiler dans le marché de l’éolien. Par exemple, le premier parc offshore Italien a vu le jour grâce à l’expertise chinoise. Ce parc, au large du port de Tarente, dans le sud du pays, a été inauguré en avril 2022. À l’origine, les turbines devaient provenir du fabricant allemand Senvion. Mais celui-ci ayant fait faillite en 2019, l’entreprise chinoise Mingyang en a profité pour reprendre le projet : un revers pour la volonté d’indépendance énergétique de l’Union.
En effet, dans un domaine où l’Europe détenait une expertise sans pareille à l’échelle mondiale, la concurrence se durcit et ralentit considérablement le projet de sécurité énergétique de l’UE, qui vise à atteindre au moins 42,5% d’énergies renouvelables dans la production européenne d’ici 2030. Pour remédier à ces défis, la Commission Européenne a pris certaines mesures. Parmi celles-ci, l’accélération d’octroi des permissions pour la construction des parcs, le financement des projets éoliens et le soutien de la Commission dans la recherche et l’innovation des États membres. Une intervention plus importante de l’Union dans le domaine de l’éolien offshore devrait ainsi permettre de conserver la compétitivité européenne et d’aboutir à la sécurité énergétique tant voulue.
L’abandon des énergies fossiles ne profite pas à tout le monde
Alors que la transition énergétique s’implante dans la conscience sociale, elle impacte négativement certaines populations qui dépendent de l’exploitation des énergies fossiles en mer du Nord. Celles-ci se trouvent en zones côtières, notamment en Norvège, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou encore au Danemark.
Dans ces régions, l’extraction pétrolière et gazière joue un rôle considérable dans l’économie locale : le développement de l’éolien offshore se fait donc au détriment de ces communautés, dont la subsistance repose en grande partie sur l’extraction, la production et le soutien des activités liées aux hydrocarbures. Par exemple, en 2020, 5% du PIB écossais provenait de l’industrie pétrolière et gazière. Celle-ci crée massivement de l’emploi, alors qu’une éolienne requiert bien moins de main d’œuvre qu’une plateforme pétrolière (environ 35 contre 50 à 200 employés). Si nous ajoutons à cela l’infiltration du marché européen éolien par la concurrence, qui empêche les entreprises locales de s’emparer des projets de parcs, il devient alors primordial que des mesures soient prises afin de préférer l’industrie et la main d’œuvre régionales.
Si l’éolien offshore représentait il y a quelques années une aubaine pour une transition vers les énergies durables ainsi que pour la sécurité énergétique de l’Europe, les défis économiques et sociaux auxquels il fait face aujourd’hui sont de taille. Ces derniers ne sont pourtant pas insurmontables : une coopération internationale renforcée et une intervention plus forte des États et de l’UE contribueraient grandement à la réalisation des objectifs énergétiques.
Sources :
Image : Wikimedia Commons
Pétrole ou chômage, l’Écosse hésite, par Lou-Eve Popper (Le Monde diplomatique, octobre 2022) (monde-diplomatique.fr)
Sommet de la mer du Nord – 24 avril 2023 – SGAE
Energie : un « sommet de la mer du Nord » pour développer l’éolien offshore – Touteleurope.eu
Faire de la mer du Nord le plus grand espace de production électrique offshore | Euronews
La mer du Nord, ambitieuse fabrique à éoliennes – Le Temps
Mobilisation pour le développement de l’éolien offshore en mer du Nord (lemonde.fr)
Éolien offshore : contexte et ambition | EDF FR
Éolien offshore : les Européens visent 300 GW d’ici 2050 – EURACTIV.fr
Éoliennes offshore : explications, fonctionnement, installation (connaissancedesenergies.org)
Energies renouvelables : les éoliennes en mer, bénéfiques pour les poissons ? – Geo.fr
Éolien en Europe en 2023 : défis économiques et logistiques (helvetia-energy.ch)
Mesures immédiates pour soutenir l’industrie éolienne européenne (europa.eu)
EurObservER-Eolien-Barometre-20230511.pdf