L’ancien président Kadhafi reste un des dirigeants controversés les plus importants de l’histoire récente au même titre que Saddam Hussein ou Augusto Pinochet. Dirigeant de la Libye pendant 42 ans, il est renversé lors du Printemps arabe, marqué par de nombreux soulèvements populaires en Libye. Il finira par mourir aux mains des rebelles. Quel a été l’impact du règne de Kadhafi en Libye et sur le continent africain ? Et Quid de son rapport avec l’Occident ?
Issu d’une famille bédouine illettrée, Mouammar Kadhafi, âgé de 27 ans, est à la tête du premier coup d’État en Libye, qui a lieu le 1er septembre 1969. Il renverse sans difficulté le régime monarchique en place qu’il disait « corrompu » et proclame alors l’État, comme « République arabe libyenne ».
À la tête du pays, Kadhafi, était soutenu par le président égyptien, Gamal Abdel Nasser, qui avait pour but d’unifier les pays arabes. Et c’est ainsi que fut créée l’Union des Républiques arabes, regroupant la Libye, rebaptisée « Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste » et ainsi l’Égypte et la Syrie s’unissent de 1971 jusqu’en 1984.
Le Guide de la révolution avait de mauvaises relations avec ses homologues des pays voisins de la Lybie. En 1978, Tripoli entre dans un conflit avec le Tchad, qui va durer neuf ans, pour le contrôle du territoire de la bande d’Aozou, territoire tchadien mais revendiqué par la Libye de 114 000 km2 et 100 km de large (comprenant la ville d’Aozou). Le conflit se conclut par une défaite libyenne. Kadhafi a également soutenu militairement l’homme d’État ougandais Idi Amin Dada dans sa tentative d’envahir la Tanzanie. Kadhafi était l’un des principaux soutiens financiers et matériels de plusieurs groupes séparatistes menant des actions terroristes, tels que l’IRA (le groupe indépendantiste nord irlandais), le Front Polisario (indépendantistes du Sahara occidental), et de nombreux autres groupes révolutionnaires marxistes ou communistes à travers le monde.
Ayant eu des relations conflictuelles avec les États-Unis sous la présidence de Reagan, Kadhafi était qualifié comme un dirigeant « terroriste » par Washington en raison de ses politiques dites expansionnistes. Le 6 avril 1986, il est prouvé que le régime était impliqué dans l’attentat à la bombe de la discothèque « La Belle » à Berlin-Ouest, impliquant la mort de soldats américains. En représailles, l’armée américaine mène un raid sur le pays, tuant 60 personnes et blessant le dirigeant. Juste après cette tentative d’éliminer le président libyen, il s’avère que les services secrets libyens sont impliqués dans les attentats terroristes du vol « 103 Pan Am », en 1988, en Écosse (269 victimes) et du vol « 772 d’Uta », au Niger, en 1989. La communauté internationale met un embargo sur la Libye, ce qui va gravement affecter son économie.
Kadhafi ne veut plus être vu comme un président « terroriste », c’est pour cela qu’après avoir livré les suspects de l’attentat du vol « Pan Am » à la justice, il va payer une indemnité d’environ 2 milliards de dollars aux familles des victimes, levant ainsi les sanctions de l’ONU. Il engagera le pays dans une lutte contre l’immigration illégale, ainsi que dans la guerre contre le terrorisme lancé par les États-Unis. Un objectif de rapprochement avec les pays occidentaux sur le plan diplomatique est mis en place par le Chef d’État, afin d’éviter le sort de Saddam Hussein.
Le 23 septembre 2009, à l’ONU à New York, lors de la 64e session de l’Assemblée générale, il prononce long discours dénonçant l’ONU et le Conseil de Sécurité, arguant notamment que les sièges permanents et le droit de veto sont « opposés à la charte » des Nations Unies. Plus tôt dans l’année, il va déclarer que la Cour Pénale International (CPI) est « une nouvelle forme de terrorisme mondial » après qu’elle ait émis un mandat d’arrêt international contre le dirigeant soudanais Omar al-Bachir. Malgré cela, la Libye se réinsère dans le commerce international à la suite de l’embargo, et elle devient le pays au plus haut Indice de Développement Humain (IDH) en Afrique.
Même dans les rapports diplomatiques avec ses voisins, Kadhafi va changer de stratégie, augmentant son influence dans les pays d’Afrique dans les années 1990 et 2000. Il investit alors dans l’Afrique noire, tels que dans les mines de la République Démocratique du Congo (RDC), et dans l’hôtellerie à travers l’Afrique du Nord. Ainsi, de nombreux États dépendaient exclusivement de l’investissement de ses pétrodollars. Il a également fortement soutenu Mandela dans sa lutte contre l’Apartheid. Le dirigeant libyen a eu pour projet la création des États-Unis d’Afrique, avec sa propre monnaie et son armée, mais le projet n’a jamais vu le jour. En 2009, il est élu président de l’Union Africaine, et se fait proclamer « roi des rois traditionnels d’Afrique ».
Mais dès 2008, la relation va se compliquer de nouveau avec l’Occident, ainsi qu’avec la Suisse en raison de l’arrestation du fils du dirigeant, Hannibal Kadhafi, pour maltraitance de ses employés dans un palace genevois, donnant lieu à une crise diplomatique entre Berne et Tripoli. Le dirigeant appelle ensuite au djihad contre la Confédération suite au succès de l’initiative populaire « contre la construction de minarets » de 2010.
En 2011, dans le cadre du Printemps arabe, ont lieu des révoltes dans le pays, où le peuple libyen ait contesté le régime d’oppression de Kadhafi, en voulant établir une transition démocratique. Ces manifestations sont réprimées violemment, donnant lieu ainsi à une guerre civile d’une durée de huit mois, faisant entre 10 000 et 30 000 victimes. Les forces rebelles, composées d’alliances tribales et claniques, sont soutenues par l’OTAN, qui lance des frappes aériennes contre les forces du régime. Un mandat d’arrêt de la CPI et d’Interpol est introduit contre Kadhafi et son fils Saïf al-Islam pour crime contre l’humanité. Sa tête est mise à prix par le Conseil national de transition libyen (CNT) pour 1.2 millions d’euros. Kadhafi est en fuite, mais est capturé aux abords de la ville de Tripoli, puis lynché par la population, le 20 octobre 2011.
Ainsi prend fin le règne de Mouammar Kadhafi, le plus long mandat pour un chef d’Etat arabe, étant le troisième plus long règne d’un dictateur. Il a ainsi tantôt joué les héros des peuples africains face à l’oppression de l’Occident et des mouvements séparatistes (parfois terroristes), tantôt le partenaire de l’Occident. Fier de ses origines bédouines, il dormait dans une tente traditionnelle lors de ses déplacements, comme lorsqu’il a planté sa tente chez Donald Trump lors d’une visite aux États-Unis. Aujourd’hui, 10 ans après, le pays est divisé entre le gouvernement et les forces du maréchal Haftar. Ce dernier, ancien partenaire de Kadhafi lors du coup d’État de 1969, était à la tête des rebelles lors des évènements de 2011. Il a annoncé sa candidature à la présidentielle le 16 novembre 2021.
Les Émirats Arabes Unis et la Turquie ont soutenu le président Kadhafi respectivement de la manière suivante, l’un en intervenant militairement à ses côtés et l’autre en envoyant ses troupes pour maintenir les intérêts économiques. La Libye n’est plus dans une période de guerre, et s’apprête à tenir des élections présidentielles. Parmi les potentiels candidats, on retrouve Saïf al-Islam, fils de l’ancien dirigeant, toujours sous double mandat d’arrêt international.
L’Occident et l’ONU observeront de près les choix des Libyens, dont certains sont encore nostalgiques de l’époque de la Grande Jamahiriya.
Bibliographie :
Une journée dans la vie d’un dictateur : documentaire Planète +
How to Become a Tyrant: documentaire Netflix
Où sont les milliards de Kadhafi ? : documentaire Arte.
Slateafrique.fr
Libye : où en est le pays dix ans après la mort de Kadhafi ? TV5 Monde.